dimanche 27 avril 2025

Introduction à la iatrogénie : un mal silencieux

Quand le remède devient parfois le poison

Dans l’imaginaire collectif, la médecine est synonyme de guérison, de soulagement, de protection contre la souffrance. Pourtant, il existe une réalité plus discrète, souvent méconnue : celle où l’acte de soigner peut, malgré les meilleures intentions, devenir une source de mal. Ce phénomène porte un nom : la iatrogénie.

Un mot savant pour un danger réel. Un danger dont l’ampleur grandit avec la complexification des soins modernes, la multiplication des traitements et l’allongement de la durée de vie. Aujourd'hui, parler de iatrogénie, c’est ouvrir les yeux sur un enjeu majeur de santé publique.

Qu’est-ce que la iatrogénie ?

Le terme « iatrogénie » vient du grec iatros (médecin) et genes (qui engendre). Il désigne l’ensemble des effets indésirables provoqués par l’acte médical lui-même, qu’il soit lié aux médicaments, aux interventions chirurgicales, aux examens, ou même à la relation thérapeutique.

Concrètement, il peut s'agir :

  • D’un médicament prescrit qui entraîne un effet secondaire grave,
  • D’une opération chirurgicale qui déclenche une infection,
  • D'un examen radiologique dont la dose de rayonnement est excessive,
  • D’une erreur de diagnostic ou d’une mauvaise communication entre soignant et patient.

La iatrogénie n’est pas toujours la conséquence d'une faute : parfois, même en respectant parfaitement les bonnes pratiques, elle survient. Car tout acte médical comporte, par nature, une part de risque.

Pourquoi est-ce un sujet crucial aujourd’hui ?

Avec les progrès de la médecine, nous avons accès à des traitements de plus en plus puissants, à des technologies de plus en plus sophistiquées. Cela a sauvé des millions de vies.
Mais plus l’arsenal thérapeutique est riche, plus le risque de provoquer un effet indésirable augmente.

Quelques chiffres pour mesurer l'ampleur du phénomène :

  • En France, on estime qu’environ 10% des hospitalisations sont dues à des événements iatrogènes.
  • Chaque année, entre 10 000 et 30 000 décès seraient liés à des accidents médicamenteux évitables.
  • Chez les personnes âgées, la iatrogénie médicamenteuse représente l’une des principales causes d’hospitalisation d’urgence.

Et ces chiffres ne concernent que les cas les plus graves, rapportés dans les hôpitaux. De nombreux effets secondaires plus légers, mais handicapants au quotidien, passent inaperçus dans les statistiques.

La iatrogénie est donc un mal silencieux, sous-estimé, mais omniprésent.

Les formes principales de iatrogénie

La iatrogénie peut prendre plusieurs visages, que l’on peut regrouper en grandes catégories :

1. La iatrogénie médicamenteuse

C’est la plus fréquente. Elle résulte d’un médicament mal adapté, mal dosé, ou d’interactions entre plusieurs traitements.
Exemple : une personne âgée prenant simultanément un antidépresseur, un somnifère et un antihypertenseur peut subir des chutes graves à cause d’une hypotension ou d’une somnolence excessive.

2. La iatrogénie chirurgicale

Même une opération parfaitement réalisée comporte des risques : infection nosocomiale, hémorragie, complications anesthésiques… Certains gestes simples peuvent aussi entraîner des effets secondaires inattendus.

3. La iatrogénie diagnostique

Un examen médical, comme une IRM ou un scanner, peut exposer à des doses de rayons ionisants non négligeables. Des examens inutiles ou mal interprétés peuvent aussi entraîner des traitements erronés.

4. La iatrogénie relationnelle

Moins visible, mais non moins importante : une mauvaise communication médecin-patient peut induire des incompréhensions, des refus de soins, des erreurs d'observance, donc une perte d'efficacité des traitements.

Peut-on éviter la iatrogénie ?

Éviter totalement la iatrogénie est illusoire. Mais il est possible de la réduire considérablement par une série de bonnes pratiques :

  • Mieux informer les patients sur les bénéfices et les risques des traitements,
  • Simplifier les prescriptions et éviter la polypharmacie inutile,
  • Mettre en place des protocoles sécurisés dans les hôpitaux,
  • Encourager la déclaration des événements indésirables pour mieux les analyser,
  • Renforcer la communication entre les professionnels de santé.

Le patient lui-même joue aussi un rôle : il doit être acteur de son parcours de soin, oser poser des questions, signaler tout effet secondaire suspect, et éviter l'automédication hasardeuse.

Une responsabilité collective

La iatrogénie n’est pas une fatalité. C’est une alerte : celle qui nous rappelle que soigner est un art délicat, où l’humilité doit rester de mise.

Médecins, pharmaciens, infirmiers, patients : nous avons tous un rôle à jouer pour rendre les soins plus sûrs, plus transparents, plus humains.

Parler de iatrogénie, ce n’est pas accuser. C’est chercher ensemble à mieux comprendre, pour mieux prévenir. Car derrière chaque statistique, il y a une histoire humaine, souvent douloureuse, qui aurait peut-être pu être évitée.

Et dans cette quête d’une médecine plus sûre, chaque prise de conscience est une avancée.


À méditer :
"Le premier devoir du médecin est d’éveiller la vigilance, non d’endormir la confiance."
Louis Pasteur



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