vendredi 2 mai 2025

Histoire de la iatrogénie médicale

Des saignées d’autrefois aux surdoses modernes

L’histoire de la médecine est une aventure humaine fascinante. Elle est jalonnée de découvertes extraordinaires, de progrès fulgurants… mais aussi d’erreurs tragiques. Parmi celles-ci, la iatrogénie a toujours été là, tapie dans l’ombre des bonnes intentions.

Revenir sur l’histoire de la iatrogénie, c’est comprendre que les dangers du soin ne sont pas nouveaux, mais qu’ils évoluent avec les époques. Ce voyage dans le temps nous montre à quel point la vigilance est indispensable, même (et surtout) quand la science avance.


Des débuts empiriques… aux conséquences parfois fatales

Dans l’Antiquité, la médecine reposait sur des pratiques empiriques, parfois efficaces, souvent risquées. L’idée dominante était que le corps devait retrouver un équilibre des « humeurs » (sang, bile, flegme, etc.).
Résultat : des pratiques comme les saignées, purges et lavements étaient courantes, souvent prescrites en excès.

Le paradoxe : le médecin pensait faire le bien, mais il affaiblissait souvent davantage le malade. Certains patients mouraient… non de leur maladie, mais du traitement lui-même.


Le Moyen Âge et la Renaissance : médecine et croyances

Le Moyen Âge mêle médecine, religion et superstition. L'absence de connaissance sur les microbes et les infections rend les interventions dangereuses. La chirurgie, par exemple, est rudimentaire et pratiquée sans antisepsie ni anesthésie.

La Renaissance voit apparaître les premières dissections, une meilleure compréhension du corps humain… mais la iatrogénie persiste : médicaments à base de mercure, pratiques toxiques, erreurs de dosage sont fréquents.


Le XIXe siècle : la médecine moderne naît… et ses effets secondaires aussi

Avec Pasteur, Koch et l’avènement de la microbiologie, la médecine devient enfin scientifique. L’introduction de l’asepsie, des vaccins, puis des antibiotiques change la donne.

Mais chaque progrès amène de nouveaux risques :

  • Les premiers vaccins provoquent des réactions sévères chez certains.
  • Les anesthésies générales mal maîtrisées entraînent des décès.
  • Des médicaments comme la morphine ou la digitaline deviennent populaires, mais provoquent des intoxications par surdosage.

La médecine entre dans une ère puissante… mais pas toujours contrôlée.


Le XXe siècle : l’explosion thérapeutique… et les scandales

C’est le siècle de tous les progrès : antibiotiques, chimiothérapie, chirurgie cardiaque, greffes, psychotropes, imagerie médicale…
Mais aussi celui des plus grandes catastrophes iatrogènes :

Le cas de la Thalidomide (1957-1961)

Ce médicament prescrit aux femmes enceintes pour soulager les nausées a provoqué la naissance de milliers d’enfants avec des malformations graves.
Un choc mondial. Et un tournant dans l’histoire du contrôle pharmaceutique.

D’autres exemples :

  • Le Distilbène, prescrit pendant la grossesse, a causé des cancers chez les filles exposées.
  • L’amiante, longtemps utilisé sans précaution, a tué des milliers de travailleurs.

Ces crises ont conduit à une prise de conscience : on ne peut pas faire confiance aveuglément à la médecine moderne.
La notion de pharmacovigilance est née.


Aujourd’hui : progrès maîtrisés… ou nouvelles menaces ?

Aujourd’hui, les réglementations sont plus strictes. Les essais cliniques, la surveillance des effets indésirables, les bases de données partagées ont amélioré la sécurité des soins.

Mais la iatrogénie n’a pas disparu :

  • La polypharmacie (surtout chez les personnes âgées) expose à des interactions multiples.
  • L’automédication et la désinformation sur Internet favorisent les abus.
  • La pression économique peut conduire à des raccourcis thérapeutiques risqués.

Conclusion : un regard lucide et humble

La médecine a toujours été double : porteuse de vie, mais aussi potentiellement destructrice.
C’est en acceptant cette ambivalence que nous pouvons avancer vers une pratique plus éthique, plus prudente, plus humaine.

Comprendre l’histoire de la iatrogénie, c’est reconnaître que la vérité médicale est toujours en construction.
Et que la vigilance ne doit jamais être considérée comme un frein, mais comme le socle de la confiance.


À méditer :
"Le danger, ce n’est pas l’ignorance. C’est de croire que l’on sait."
George Bernard Shaw



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